Rebâtir son corps, retrouver son socle

 

Homme de 40 ans faisant des pompes sur le sol de son salon, en tenue de sport, souriant et concentré.
Un homme de plus de 40 ans pratique des pompes dans son salon : un rituel simple pour retrouver un ancrage mental au quotidien.

Vous avez déjà tout entendu sur la musculation. Que ça rend plus fort, plus beau, plus performant. Que c’est une affaire de discipline, de dépassement de soi. Mais ici, on va parler d’autre chose. On va parler de survie mentale.

Quand on vit depuis des années avec un trouble psychique, que les traitements font partie du quotidien, que l’entourage est au courant… le rapport au corps devient flou. Parfois hostile. On le néglige. On l’oublie. On le subit. Or ce corps, c’est justement votre point d’ancrage, votre socle. Et lui aussi peut redevenir un allié dans votre équilibre.

Dans cet article, je vous propose une approche simple, concrète et sans pression de la musculation — pas pour sculpter un physique de magazine, mais pour reconstruire une base intérieure, retrouver une forme de stabilité, jour après jour. Avec 10 à 20 minutes par jour, un peu d’espace et une volonté réaliste. Rien d’héroïque. Juste une brique posée après l’autre.


1. Pourquoi votre corps compte dans votre équilibre mental ?

Votre corps n’est pas secondaire. Il est central.

Lorsqu’on vit avec un trouble psychique depuis des années, il est tentant de se concentrer uniquement sur ce qui se passe dans la tête : l’humeur, les pensées, les médicaments, les rendez-vous médicaux. Le corps, lui, passe souvent à l’arrière-plan. On le considère au mieux comme un véhicule, au pire comme un poids.

Pourtant, votre corps est l’un des seuls terrains sur lesquels vous avez encore un vrai pouvoir d’action immédiat. Vous pouvez le bouger, le ressentir, le faire progresser à votre rythme. Et ce simple fait — avoir un espace où vous êtes acteur — change tout.

"Les pompes ont fait plus pour moi que 3 mois de silence radio de mes potes."

C’est ce que m’a confié Eric, 43 ans, diagnostiqué bipolaire depuis 18 ans. « Je ne fais pas de sport, j’ai toujours eu la flemme. Mais pendant une période très noire, j’ai décidé de faire 10 pompes tous les matins. C’était moche, j’en chiais. Mais je les ai faites. Tous les jours. Et au bout de deux semaines, j’ai remarqué quelque chose de bizarre : j’avais un peu moins peur de la journée à venir. »

Ce qu’Eric exprime, c’est l’effet stabilisant du mouvement volontaire. Rien à voir avec la performance ou le physique. C’est un repère, une habitude qui redonne du poids à vos actions.

Le lien cerveau–corps est réel : et vous pouvez le mobiliser.

La science le confirme : l’activité musculaire stimule la sécrétion de dopamine, de sérotonine et d’endorphines, trois neurotransmetteurs souvent impliqués dans la régulation de l’humeur. Bouger son corps, même sans intensité, reconnecte au présent, coupe momentanément le flot des pensées et offre une sensation de maîtrise qu’aucun traitement chimique ne peut remplacer.

Ce n’est pas un remède miracle. Mais c’est une base, un pilier que vous pouvez réactiver sans dépendre de personne. Et parfois, c’est exactement ce qu’il faut.


2. Objectif ancrage, pas transformation

Ce n’est pas un défi. C’est un point fixe dans la tempête.

Vous n’avez pas besoin d’un programme sportif, d’un coach en ligne ou d’un avant/après Instagram. Vous avez besoin d’un rituel. Un petit rendez-vous physique avec vous-même, chaque jour, ou presque. Quelque chose de simple, court, faisable, stable. Une série de mouvements qui vous ancrent dans le réel et vous rappellent : "Je suis encore là. Et j’agis."

L’idée n’est pas de vous transformer. Pas de devenir musclé, sec ou performant. L’idée est de reprendre du terrain mental en posant chaque jour un acte physique.

"Je ne vise pas le changement. Je vise la constance."

Marc, 47 ans, est en traitement pour troubles anxieux généralisés depuis plus de dix ans. Il ne fait pas de sport, ne va pas à la salle, n’aime pas transpirer. Mais tous les matins, il fait :

  • 10 squats

  • 10 pompes (ou des pompes contre un mur quand ça va moins bien)

  • 10 abdos

Ça lui prend moins de 5 minutes. Il ne note pas ses progrès. Il ne cherche pas à faire plus. Mais il tient. Et pour lui, tenir, c’est déjà beaucoup.

« Ce n’est pas glorieux, confie-t-il, mais c’est mon repère. Les jours où je zappe, je me sens flottant. Les jours où je le fais, je suis un peu plus solide. »

Vous pouvez commencer aujourd’hui. Littéralement.

Voici une routine de base pour les jours où vous n’avez ni énergie ni motivation. À faire chez vous, sans matériel :

  • 10 squats (fléchir les jambes lentement en gardant le dos droit)

  • 5 à 10 pompes (à genoux ou contre un mur si nécessaire)

  • 15 secondes de gainage (soutien sur les avant-bras, dos droit)

  • Étirement du dos et de la nuque (30 secondes)

💡 Astuce mentale : faites-le devant un miroir ou filmez-vous. Non pas pour juger, mais pour témoigner que vous l’avez fait. Pour vous-même. C’est votre preuve.

Ce rituel, même bancal ou irrégulier, fait partie de vous. Il n’a pas besoin d’être parfait. Il a juste besoin d’exister.

3. La progression visible comme boussole mentale

Voir un progrès, même minime, restaure une forme de fierté.

Dans une vie marquée par les traitements, les rechutes, les arrêts de travail ou la dépendance aux autres, le sentiment d’avancer peut devenir rare. Or, même si c’est dans un espace minuscule — une série d’exercices physiques —, constater un progrès change la narration intérieure. Vous cessez d’être uniquement "le mec sous traitement" pour redevenir celui qui avance à son rythme.

Et ce n’est pas une illusion. C’est tangible. Une pompe de plus. Une minute de gainage en plus. Une douleur qui disparaît. Une posture plus assurée.

"Je ne me félicite pas souvent. Mais là, j’ai dû reconnaître : je suis plus solide qu’il y a 3 mois."

Pascal, 46 ans, ancien informaticien en arrêt de longue durée, a commencé à faire des tractions assistées avec une bande élastique. Une au début. Puis deux. Puis trois. Il ne cherchait pas la performance. Mais un jour, il a tenu cinq secondes suspendu à la barre, sans aide. Et il a souri.

« J’avais oublié ce que ça fait de progresser. Ça ne m’était plus arrivé depuis des années. Juste cette petite victoire… c’était ma journée. »

Ces petites victoires physiques sont comme des balises mentales. Elles prouvent, même dans les périodes grises, que quelque chose évolue. Que vous êtes vivant. Que vous agissez.

Notez vos efforts, pas vos résultats.

Un carnet, un tableau Excel, une simple note sur votre téléphone : peu importe. L’essentiel, c’est de tracer le chemin, même flou. Notez ce que vous avez fait, pas ce que vous auriez voulu faire.

Exemple :

📅 19 juillet : 10 squats – 5 pompes contre le mur – gainage 20 sec
📅 20 juillet : fatigué, juste 5 squats
📅 21 juillet : rien – mais j’ai marché 20 min l’après-midi
📅 22 juillet : retour de la mini-routine + étirement 1 min

Ce suivi ne sert pas à vous juger. Il sert à voir qu’il y a un fil, et que vous le tenez, même avec des nœuds.


En résumé, votre corps peut devenir un point d’appui solide dans votre vie mentale, même après des années de traitement. Vous n’avez pas besoin de performance, juste de régularité. Un rituel simple. Une action que vous choisissez. Et au fil des jours, ces gestes modestes prennent de la valeur. Ils vous reconnectent à vous-même, vous rappellent que vous avez encore prise sur quelque chose de réel.

Ce n’est pas un miracle. Ce n’est pas la solution à tout. Mais c’est un socle, et parfois, c’est exactement ce dont on a besoin pour tenir.

Alors, pourquoi ne pas commencer aujourd’hui ? Une série de pompes. Trois squats. Dix secondes de gainage. Et demain, on verra.


Et vous ?

Quelle est votre routine de base, celle qui vous aide à rester debout les jours où tout vacille ? Une série d’exercices ? Une marche matinale ? Un geste immuable ?
Partagez-le en commentaire. Votre expérience pourrait inspirer un autre homme en silence.


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