L'impression d'être un fâcheux chez une personne qui grasseye

C’est peut-être son complexe d’infériorité qui crée cette impression. Le problème c’est que parfois son cerveau confond cette impression et l’intuition. Dans ces moments, Balthazar est déconcerté. Il ne sait plus s’il doit lutter contre son complexe d’infériorité ou s’il doit écouter son intuition et s’en aller (ou raccrocher ou abandonner). Complètement désarçonné, il se met à suer abondamment. Il se produit alors une drôle de sensation : il se retrouve dans une boîte invisible, très étroite, qui peut à peine le contenir, il sent ses épaules qui caressent les parois de la boîte, la boîte l’enserre le forçant à se raidir. Dans ces moments-là, il a chaud au niveau de sa nuque, sourit bêtement en attendant la réponse de son interlocuteur. Ou alors il reste immobile, debout ou assis, et ne pipe mot. Tout l’embarrasse. Il n’ose pas bouger, chaque mouvement est une torture pour lui, car son cerveau lui murmure que s’il fait un geste, les autres le fusilleront du regard et lui lanceront des salves de flèches de moquerie.

 

Parcours de vie et estime de soi fragilisée

Ce tableau clinique est probablement lié au parcours de vie de Balthazar. Issu d'un milieu modeste, Balthazar a été scolarisé dans une école privée élitiste. Ce décalage entre son environnement familial et scolaire a pu fragiliser son estime de soi et exacerber son anxiété sociale. Il a pu se sentir différent, inférieur à ses camarades plus aisés, nourrissant un sentiment d'imposture. La pression de réussite liée aux sacrifices consentis par ses parents a pu renforcer cette anxiété. Peut-être a-t-il aussi fait l'expérience du rejet ou de moqueries en raison de ses origines, ce qui a pu consolider sa crainte du jugement et sa tendance à l'auto-dévalorisation.

 

Suivi psychologique et développement de l'estime de soi

Un suivi psychologique permettrait à Balthazar de prendre conscience des mécanismes qui sous-tendent son mal-être, de revaloriser son parcours et son identité, de développer une meilleure estime de lui-même. Un travail autour de l'affirmation de soi et de la gestion du stress serait également bénéfique. Des approches telles que les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) et l'EMDR pourraient être pertinentes dans ce contexte.

 

Grasseyement et phobie sociale

Le grasseyement de Balthazar, en le singularisant négativement par rapport aux autres locuteurs de sa langue, a pu renforcer son sentiment de différence et d'infériorité. Chaque prise de parole est potentiellement source d'anxiété, par peur des moqueries ou du jugement sur sa façon de prononcer les « r ». Cette caractéristique a pu ainsi exacerber sa phobie sociale et sa crainte du regard d'autrui.

 

Sentiment d'illégitimité linguistique

De plus, dans un contexte où le « r » roulé est perçu comme un marqueur identitaire fort (comme c'est le cas dans de nombreux pays hispanophones), ne pas le maîtriser peut donner l'impression de ne pas « appartenir » pleinement à la communauté linguistique. Pour Balthazar, cela a pu alimenter un sentiment d'imposture et d'illégitimité, lui donnant l'impression d'être un éternel étranger dans son propre environnement.

 

Impact sur la confiance en soi

Ce trouble de prononciation a aussi pu impacter la confiance en soi de Balthazar. Ne pas parvenir à produire un son apparemment « simple » pour les autres peut être vécu comme un échec personnel, une preuve supplémentaire de sa prétendue « insuffisance » dans sa langue maternelle. Cette atteinte à l'estime de soi a pu renforcer son repli sur lui-même et son désir d’éviter les interactions sociales.

 

Traumatisme et interactions verbales

Enfin, si Balthazar a subi des brimades ou des moqueries en raison de son grasseyement (ce qui est malheureusement fréquent pour les troubles de ce type), cela a pu le conforter dans l'idée qu'il est intrinsèquement « défectueux » et que sa place n'est pas parmi les autres. Chaque interaction verbale devient alors une blessure potentielle ravivant ces traumatismes.

 

Influence du grasseyement sur la souffrance psychique

Ainsi, en interagissant probablement avec la fragilité préexistante de Balthazar, le grasseyement a pu agir comme un catalyseur de sa souffrance psychique, amplifiant son anxiété sociale, son complexe d'infériorité et son sentiment d'être un « fâcheux » illégitime. Une prise en charge orthophonique, couplée au suivi psychologique, serait donc hautement souhaitable pour aider Balthazar à surmonter cette difficulté et à restaurer son estime de lui-même.

 

Dissonance identitaire et sentiment d'illégitimité

Il apparaît que son sentiment de ne pas être à sa place et son impression d'être un « fâcheux » ont des racines multiples et entremêlées. Tout d'abord, la dichotomie entre son milieu scolaire privilégié et l'environnement modeste de sa famille semble avoir instillé en lui, dès l'enfance, un sentiment de ne jamais être complètement en phase avec son entourage. Tiraillé entre deux univers culturels distincts, Balthazar a pu développer une forme de « dissonance identitaire ». En s'efforçant de s'adapter à sa famille pendant les vacances, il a eu l'impression de trahir une part de lui-même, de ne pas être authentique. Cette expérience répétée a pu nourrir un doute profond sur sa capacité à être lui-même et à trouver sa juste place.

 

Précarité et sentiment d'insécurité

Cette fragilité identitaire semble avoir été réactivée à l'âge adulte par la prise de conscience de la précarité de sa situation de locataire. La perspective de pouvoir être mis à la porte « à tout moment » a probablement fait écho à son sentiment de ne jamais être vraiment « chez lui », d'être en perpétuel sursis. De plus, l'exposition médiatique à la problématique des migrants et des clandestins a pu réactiver chez lui la crainte de ne pas avoir de place légitime, où que ce soit.

 

Racines du sentiment d'illégitimité

Il est intéressant de noter que ces différents vécus, bien qu'ayant leurs spécificités propres, semblent tous converger vers un même noyau psychologique : le sentiment d'illégitimité et de non-appartenance. Que ce soit dans son milieu scolaire, dans sa famille, dans son logement ou même dans son pays, Balthazar semble avoir intériorisé l'idée qu'il n'est jamais vraiment à sa place, qu'il est toujours en porte-à-faux.

 

Dynamique psychologique et interactions

Bien entendu, cette conviction intime d'illégitimité interagit probablement avec les autres facettes de sa problématique, comme son anxiété sociale, son complexe d'infériorité et son grasseyement. Chacune de ces caractéristiques, en le singularisant négativement, a pu renforcer son sentiment d'être différent, décalé, illégitime.

 

Exploration et déconstruction des croyances d'illégitimité

Ainsi, bien que les différentes impressions de Balthazar aient chacune leur origine propre, elles semblent toutes s'enraciner et se renforcer mutuellement dans une même dynamique psychologique : celle d'un individu qui, pour de multiples raisons, a développé la conviction profonde et douloureuse de n'être jamais à sa juste place.

 

Travail thérapeutique et valorisation personnelle

Le travail thérapeutique avec Balthazar devra donc s'attacher à explorer et à déconstruire cette croyance centrale d'illégitimité. Il s'agira de l'aider à reconnaître et à valoriser la richesse de son parcours métissé, à s'approprier son droit fondamental à avoir une place dans le monde, à percevoir les évènements de vie potentiellement déstabilisants (comme un déménagement) avec plus de distance et de sérénité. Un travail sur son identité propre, au-delà des déterminismes sociaux et culturels, sera essentiel pour qu'il puisse enfin se sentir "chez lui" en lui-même.


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