Sténose carotidienne et fonctions cognitives

La sténose carotidienne est une pathologie caractérisée par le rétrécissement (souvent causé par des dépôts d’athérome) d’une ou de plusieurs artères carotides situées de part et d’autre du cou. Ces artères ont pour fonction majeure d’acheminer le sang oxygéné vers le cerveau. Lorsque ce flux sanguin est restreint, le cerveau peut souffrir d’hypoperfusion (apport insuffisant de sang), ce qui peut conduire à des accidents vasculaires cérébraux (AVC) ou à des troubles cognitifs et comportementaux de type confusion, hallucinations ou encore pertes de mémoire. Dans certains cas, ces manifestations peuvent s’apparenter à une forme de démence dite « vasculaire » et sont donc parfois confondues, à tort, avec des troubles psychiatriques.

Le présent article vise à apporter des éclaircissements sur la façon dont la sténose carotidienne peut entraîner des symptômes apparentés à la démence ou à d’autres troubles cognitifs. Il s’adresse à un public non-médecin souhaitant comprendre l’impact d’un tel diagnostic, notamment lorsque des médicaments d’ordre psychiatrique sont envisagés pour soulager les symptômes. Nous verrons également dans quelle mesure ces traitements pourraient engendrer ou aggraver certains troubles, comme la déglutition ou la capacité de marche.


1. Comment la sténose carotidienne peut provoquer des troubles cognitifs ou une « démence vasculaire »

  1. Mécanismes physiopathologiques

    • Rétrécissement de la lumière artérielle : Au fil du temps, des plaques d’athérome (dépôts de lipides, de cholestérol et de calcium) se forment sur la paroi interne des artères, entraînant une diminution du diamètre de ces dernières.
    • Réduction du flux sanguin cérébral : Si la sténose est significative (en général au-dessus de 70 % de rétrécissement), le cerveau ne reçoit plus suffisamment de sang riche en oxygène.
    • Hypoxie cérébrale : Le manque d’oxygène peut altérer le fonctionnement normal de certaines zones cérébrales, provoquant des symptômes tels que des pertes de mémoire, des confusions, des hallucinations ou des troubles du jugement.
  2. Symptômes courants

    • Troubles de la mémoire : Il peut s’agir de difficultés à se rappeler d’événements récents, de se repérer dans le temps ou dans l’espace.
    • Confusions et hallucinations : Le cerveau sous-perfusé peut engendrer des perceptions erronées ou une désorientation marquée.
    • Troubles de l’attention et du raisonnement : La capacité à résoudre des problèmes ou à prendre des décisions peut être fortement altérée.
  3. Diagnostic et suivi

    • Examens d’imagerie : Doppler des artères carotides, angiographie, IRM cérébrale ou scanner sont des outils couramment utilisés pour confirmer le diagnostic et évaluer le degré de sténose.
    • Évaluation cognitive : Des tests neuropsychologiques peuvent aider à distinguer une démence vasculaire d’autres formes de démence (type Alzheimer) ou de troubles psychiatriques.

2. Traiter les symptômes cognitifs avec des médicaments psychiatriques : quels risques ?

Lorsqu’une personne âgée présente des hallucinations, des confusions ou des troubles de la mémoire, un médecin peut être tenté de prescrire des médicaments psychotropes – antipsychotiques, anxiolytiques ou antidépresseurs – pour alléger la souffrance psychique et les symptômes gênants. Toutefois, dans le contexte d’une sténose carotidienne, il convient de considérer plusieurs points :

  1. Dangers potentiels et sédation excessive

    • Certains médicaments (antipsychotiques ou sédatifs puissants) peuvent entraîner une somnolence importante. Chez une personne âgée déjà fragilisée par un apport sanguin réduit au cerveau, cette sédation pourrait aggraver la confusion, diminuer la vigilance et augmenter les risques de chute.
    • La sédation prolongée peut aussi réduire la mobilité générale de la personne, parfois de façon drastique, rendant la marche difficile ou l’équilibre précaire.
  2. Risque d’interaction médicamenteuse et de déséquilibre physiologique

    • Les personnes atteintes de sténose carotidienne sont souvent sous traitement pour l’hypertension, le cholestérol ou encore la prévention d’AVC (anticoagulants ou antiagrégants plaquettaires). L’ajout d’un médicament psychotrope doit donc être évalué au regard de ces thérapies existantes, car certains effets secondaires combinés peuvent mettre en jeu la sécurité du patient.
    • Les effets de ces médicaments sur la pression artérielle ou la fréquence cardiaque peuvent être préjudiciables pour une personne dont la perfusion cérébrale est déjà compromise.
  3. Pertinence de traiter une cause vasculaire par un traitement psychiatrique

    • Si la cause réelle de la démence ou des troubles cognitifs est vasculaire, un traitement psychiatrique ne résoudra pas la racine du problème ; au contraire, il peut masquer ou compliquer le tableau clinique.
    • Il peut néanmoins être utile dans certains cas précis (ex. crises hallucinatoires très perturbantes), mais cela doit se faire sous surveillance médicale rapprochée, en particulier chez les personnes âgées.

3. Troubles de la déglutition : effet secondaire médicamenteux ou conséquence de la sténose ?

Les personnes atteintes de sténose carotidienne peuvent développer des troubles de la déglutition (dysphagie) à plusieurs niveaux :

  1. Impact direct de la sténose carotidienne

    • Une irrigation insuffisante des centres cérébraux impliqués dans la coordination de la déglutition peut perturber le contrôle neuromusculaire et causer des dysfonctionnements.
    • Les petites ischémies (manque d’irrigation sanguine) ou micro-infarctus dans certaines zones cérébrales critiques peuvent se traduire par des problèmes pour avaler correctement ou par un risque accru de fausse route.
  2. Impact des médicaments psychotropes

    • Certains antipsychotiques ou sédatifs puissants peuvent affecter le tonus musculaire, la coordination et la vigilance nécessaire à la déglutition.
    • La sécheresse buccale, un effet secondaire courant de nombreux médicaments, peut également gêner la mastication et la déglutition.
  3. Un effet conjoint possible

    • Chez une personne âgée souffrant de sténose carotidienne, la dysphagie peut être aggravée par une sédation trop importante. L’association d’une fragilisation cérébro-vasculaire et de médicaments qui ralentissent ou altèrent la fonction motrice peut entraîner un cercle vicieux : plus de somnolence, moins de contrôle musculaire et un risque d’aspiration pulmonaire (fausse route) augmenté.

Il est donc essentiel de procéder à une évaluation complète de la dysphagie, en prenant en compte la sévérité de la sténose, les traitements en cours et les signes cliniques précis du patient.


4. Difficultés à marcher : sténose carotidienne ou médicaments ?

La question de la mobilité réduite et de l’incapacité à marcher se pose fréquemment chez les patients âgés souffrant de sténose carotidienne :

  1. Rôle de la sténose carotidienne

    • Des épisodes de hypoperfusion cérébrale peuvent impacter les zones du cerveau responsables de la coordination motrice et de l’équilibre (le cortex moteur, le cervelet, etc.).
    • De petits accidents ischémiques répétés (souvent asymptomatiques) peuvent aboutir à des troubles chroniques de la marche et de la posture.
  2. Influence des médicaments sédatifs

    • Les médicaments indiqués pour traiter les symptômes hallucinatoires ou confusionnels (antipsychotiques, benzodiazépines, etc.) peuvent provoquer une somnolence intense.
    • Cette sédation entrave non seulement la vigilance, mais aussi la réactivité motrice, et peut rendre plus difficile la coordination nécessaire à la marche.
    • Les chutes, parfois graves, sont un risque majeur si le patient se lève alors qu’il est encore sous l’effet du sédatif.
  3. Un facteur multifactoriel

    • Dans bien des cas, la perte d’autonomie pour la marche est le résultat d’une combinaison : la sténose carotidienne réduit l’oxygénation du cerveau, et le médicament sédatif aggrave la fatigue et le manque d’équilibre.
    • Une prise en charge pluridisciplinaire (médecin généraliste, neurologue, kinésithérapeute, éventuellement gériatre) est essentielle pour adapter au mieux la stratégie thérapeutique.

5. Précautions et conseils

  1. Réévaluer la nécessité du traitement psychotrope

    • Avant la mise en place d’un antipsychotique ou d’un sédatif, il est crucial de s’assurer de l’origine vasculaire ou psychiatrique des symptômes.
    • Une évaluation par un neurologue ou un gériatre, en concertation avec le psychiatre, peut aider à décider si le traitement doit être poursuivi, adapté ou suspendu.
  2. Surveillance rapprochée

    • Chez les personnes âgées, les effets secondaires peuvent survenir rapidement. Il est donc primordial de surveiller régulièrement l’état général, les aptitudes à la marche, la capacité de déglutition et la vigilance.
    • Des bilans sanguins et un suivi de la fonction rénale et hépatique permettent également de détecter précocement tout déséquilibre provoqué par les médicaments.
  3. Rééducation et prévention des complications

    • Une prise en charge en rééducation fonctionnelle ou en kinésithérapie peut contribuer à préserver la mobilité et à limiter les risques de chutes.
    • Un orthophoniste peut aider à améliorer la fonction de déglutition en proposant des exercices de rééducation adaptés.

6. Conclusion et hommage

La sténose carotidienne est une pathologie sérieuse qui peut affecter la qualité de vie d’une personne âgée, notamment à travers des troubles cognitifs, des confusions, des hallucinations et des difficultés de déglutition ou de marche. Le risque de confondre ces symptômes avec des troubles d’ordre purement psychiatrique est réel, et le recours aux médicaments sédatifs ou antipsychotiques doit être pesé avec soin. Dans de nombreux cas, ces traitements peuvent apporter un soulagement partiel, mais ils comportent également le risque d’aggraver la somnolence, la déglutition et la mobilité.

Il est essentiel que les patients, leurs proches et les professionnels de santé communiquent étroitement pour trouver l’équilibre thérapeutique le plus adapté, tout en tenant compte de la nature vasculaire des symptômes. Les traitements psychiatriques ne sont pas nécessairement contre-indiqués, mais leur prescription doit s’inscrire dans une démarche médicale globale et prudente.

Cet article est dédié à la mémoire de mon père, RAKOTOBE Charles, décédé le 1er novembre 2021 d’une insuffisance rénale aiguë, conséquence indirecte de sa sténose carotidienne. Puissent ces informations aider d’autres personnes à mieux comprendre cette maladie et à accompagner leurs proches dans des décisions thérapeutiques éclairées.


Avertissement

Le contenu de cet article est à visée informative et ne remplace pas l’avis d’un professionnel de santé. Pour toute décision médicale, il est impératif de consulter un médecin ou un spécialiste.

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