Photo : John Hain - Pixabay
2 décembre 2016, 9h00.
Dans la nuit du 1er au 2 décembre 2016, Balthazar a rédigé une centaine d'articles. Il a procédé à la livraison de la totalité de la commande de textes le 2 décembre à 9h. Balthazar a envoyé sa facture parSkype. Mais son adorable client ne se manifeste toujours pas. Il attend :
10 minutes, 20 minutes, bientôt 30 minutes, 45 minutes. L’heure tourne, il
s’impatiente et commence à s’inquiéter. Et si jamais son client l’a
oublié ? Et si jamais son client est parti subitement ? Que va
devenir ses parents si Balthazar se retrouve dans l’incapacité de leur envoyer
de l’argent ? Ses scénarios font leur entrée de façon fracassante dans ses pensées nourrissant copieusement son angoisse, ses tourments, ses incertitudes.
Il relance alors son client sur Skype. Toujours pas de
réponse. Cette situation est intenable pour Balthazar. Elle l’accule à la
panique et lui fait perdre ses moyens. Il ressent un poids au niveau de sa
poitrine. C’est l’effet des palpitations que son cœur est en train de faire. Il
faiblit soudainement, au point qu’il va s’allonger et finit par s’endormir. Une
trentaine de minutes plus tard, il se réveille et faiblement, sans descendre de son
lit, il va scruter l’écran de son ordinateur. Toujours pas de message sur
Skype. Il ne sait que faire, ni que dire. Il se sent encore plus mal qu’avant
sa petite somme. Ses forces ont l'air de l’abandonner progressivement. Ses
jambes semblent ne plus supporter le reste de son corps. Il a l’impression que
s’il fait quelques pas, il s’écroulera. Cet instant est insoutenable. Il se
morfond. Tout d’un coup, il se met à pleurer. Il a mal, physiquement et
moralement. Il est persuadé que son cœur va exploser tellement il bat. Ses
jambes et ses mains tremblent. Son esprit est en ébullition.
Balthazar se met debout et parvient à arriver jusqu’à son
ordinateur. Il décide de bombarder son client de messages de supplication dans
l’espoir qu’il se manifeste. Il se met même à l’appeler toujours sur Skype.
Mais toujours rien. Balthazar se calme. Son téléphone sonne de nouveau. C’est
sa mère qui rappelle pour avoir des nouvelles. Il lui explique la situation.
Elle tente de le rassurer et de le réconforter. Elle lui dit de ne pas s’en faire,
qu’il y aura toujours une solution. Et si besoin, son père et elle iront
prendre un crédit pour des pâtes et des sardines dans une épicerie du quartier.
Les mots de sa mère ne suffisent pas à calmer Balthazar.
Balthazar se retient énormément. Il doit empêcher sa colère d’exploser.
Surtout, il ne faut pas s’emporter. Il est nécessaire pour lui de bâillonner sa haine. Elle n’est pas virulente mais si
elle s’exprime, Balthazar risque d’être en proie à un immense regret durant les
heures qui s’en suivront. Il commence alors un travail psychologique sur lui. Il
se convainc que son client ne répond pas parce qu’il a ses raisons. D’ordinaire,
c’est un homme qui tient ses engagements. Et puis, il ne sert à rien d’être
furieux. Quelles que soient les circonstances, il convient d’agir avec amour,
compréhension et fraternité. Il vaut mieux être malheureux qu’être irrité.
Cette façon de penser ne signifie pas que l’on est faible. Elle
est l’expression de l’amour que l’on est capable de ressentir pour son prochain.
Mais surtout, cet état d’esprit indique que l’on préfère une relation paisible,
où le respect réciproque et la compréhension mutuelle sont monnaie courante, à
une relation conflictuelle où les tensions sont omniprésentes. Tout le monde a à
y gagner !
Les messages envoyés par Balthazar sur Skype sont doux et inspirent
la pitié. Tout d’un coup, son client répond et s’excuse. Il fait immédiatement
le paiement. Balthazar note les détails de la transaction sur un vieil agenda de prof. Il est 15h30.
Les banques ferment à 16h mais n’acceptent plus les clients à partir de 40. Il
n’y a donc plus de temps à perdre. Balthazar sort de chez lui en courant,
claque la porte et le portail (il ne se pose plus la question de savoir s’ils sont bien fermés… une attitude irresponsable de sa part, dans une ville où les
taux de cambriolage et de criminalité ont atteint des sommets).
Il se rue sur la chaussée, s'engouffre dans la cohue urbaine, saute puis s’impose sur un bus déjà
bondé de monde et reste en balance à l’entrée du véhicule. Encore une attitude
dangereuse qui n’épargnera pas sa vie en cas d’accident ! Les
embouteillages, les voleurs discrets qui font les poches, les aiguilles de la
montre qui semblent aller trop vite… Balthazar sent qu’il est sur le point de perdre connaissance, de s'évanouir. Tout est
en train de tourner et de flotter autour de lui, tout devient flou. S’il tombe, les voitures qui
suivent l’autobus n’auront pas le temps de freiner et rouleront sur son corps.
Quelle horreur ! Brusquement, il ressent une douleur. Son voisin, également
accroché à une des portières en extérieur, lui a donné un violent coup de
coude tout en l'incendiant. C’est ce qui lui a sauvé in-extremis.
Au bout de 9 minutes, son bus est devant la banque. Alors
qu'il est encore en train de rouler, Balthazar saute au milieu de la
rue. Des voitures le klaxonnent comme pour le réprimander de son geste pleine d’inconscience.
Il ne leur accorde aucune attention. Il fait des signes aux vigils de la banque
pour qu’ils le laissent entrer. Ils acceptent. Balthazar a réussi son pari. Il
va pouvoir encaisser son paiement et en envoyer une bonne partie à ses parents par
mobilbanking. C’était chaotique.
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