L’aube d’une nouvelle vie : an 0 pour Balthazar


Photo : Adam Birkett - Unsplash

20 juin 2017 

La situation matérielle de Balthazar s’est beaucoup améliorée depuis son arrivée chez ses parents fin décembre 2016. Aujourd’hui, il touche suffisamment assez pour faire enfin partie de la classe moyenne du pays. Malgré l’absence d’une offre internet adaptée à un usage intensif, en dépit des intempestives coupures d’électricité et les baisses de tension électrique inopinées, il réussit à livrer un grand nombre d’articles à ses clients. Grâce à son rythme soutenu et effréné, il parvient à percevoir environ 1 000 euros chaque mois, ce qui correspond à la rémunération net d’un député local (hors indemnité et avantages). Mais cela n’a pas toujours été ainsi.

Des parents prêts à tout pour la réussite de leurs enfants

Il est né au sein d’une famille moyenne dans une ville côtière à l’est de son île. Il y a passa toute son enfance et toute son adolescence. Son père était professeur de langue et d’éducation civique dans l’école la plus prestigieuse de l’île. Il est aujourd’hui à la retraite. Après la naissance de Balthazar, sa mère fit le choix d’arrêter de travailler pour s’occuper de ses deux enfants. Un unique salaire mensuel aurait pu suffire si ses parents n’aient décidé de les scolariser dans l’établissement où enseignait son père. Malgré la réduction sur les frais de scolarité dont bénéficiait le paternel, le coût de leurs études pesait lourd sur le budget familial. La famille vivait pratiquement dans la misère, mais la mère excellait dans l’art de dissimuler cette pauvreté. Pour les parents, il était primordial d’offrir à leurs enfants une excellente éducation. Et ils avaient eu raison.

Un enfant vif d’esprit et une enfance insouciante

Cette pauvreté n’avait jamais dérangé Balthazar. Il était un garçon épanoui, qui aimait vivre et surtout, qui était amoureux de la liberté, épris de son indépendance. Au collège et au lycée, il n’éprouvait jamais de difficulté à assimiler ses cours : tout lui semblait si facile, si évident. Du coup, c’est rarement que Balthazar révisait à la maison. Il considérait que tout était acquis à la sortie de chaque matière. En fait, Balthazar se refusait à faire des efforts pour les approfondir afin d’avoir d’excellentes notes. Il demeurait donc un élève moyen, ce qui lui convenait, se positionnant chaque année dans les 5 premiers de sa classe. Il savait qu’il pouvait mieux, mais refusait d’en faire plus. Et ce, malgré les remarques de ses professeurs. Pourtant Balthazar devait le faire, car ses parents comptaient sur lui. Il ne se rendait pas compte des efforts, du sacrifice qu’ils faisaient pour lui offrir cette école réservés aux riches et aux familles favorisés.

Des regrets affligeants

En tout, il a passé 12 années dans cet établissement scolaire. 12 années magnifiques et mémorables. 17 ans après le bac, à l’heure actuelle, Balthazar s’est enfin rendu compte de sa bêtise : il aurait dû être sérieux et rigoureux au lycée et enchaîner sur de brillantes études supérieures ! Il sait qu’il en a l’étoffe. Mais il est trop tard pour regretter, trop tard pour les remords. C’était à ce moment qu’il fallait étudier durement, qu’il fallait rejeter l’oisiveté, qu’il fallait se refuser d’être distrait. Aujourd’hui, l’heure est à la reconstruction et elle est difficile. Balthazar est pleinement conscient qu’il est passé à côté d’une énorme opportunité en refusant d’avoir été assidu et appliqué lors de ses années au lycée. Et cela lui fait profondément mal, lui déchire le cœur, le plonge régulièrement dans une profonde tristesse durant des jours, le livre à la merci des nuits blanches. Le plus dur c’est lorsqu’il repense aux privations de ses parents : à ces moment, il s’en veut fortement, et ne peux empêcher ses larmes, de grosses larmes, de couler abondamment. Il se dégoute, se haït violemment, ressent un mépris abyssal à son égard.  Cette amertume et cette haine pour sa personnalité nourrissent généreusement sa dépression.

Une revanche sur la vie

En dépit de son désastreux état psychologique qui pèse lourdement sur son humeur, Balthazar ne se rend pas : il ne veut pas finir dans la misère, le dénuement le plus total ! Il est déterminé à se relever entièrement. Il est animé par un désir ardent de rattraper le temps perdu, à vaincre cette vie de misère qui le guette et le menace et a déjà eu raison de lui une fois. Il sait qu’il ne retrouvera la paix psychique, la sérénité psychologique qu’une fois qu’il aurait réussi matériellement et moralement. Alors, il se bat contre les assauts du passé. Il ne se laisse pas abattre par la nostalgie. Il a besoin de toutes ses forces physiques et intellectuelles pour continuer la lutte. Balthazar est devenu un excellent autodidacte. Il se cultive abondamment, lit à un rythme infernal et entretient ses capacités intellectuelles comme d’autres entretiennent leurs muscles. Son cerveau est ce qu’il a de plus précieux.

Absence d’intérêt pour les études supérieures

En terminal, Balthazar continua d’adopter son principe : tout assimiler en cours et s’amuser une fois dehors. C’est dire que même avant les épreuves du bac, il n’a jamais révisé. Il réussit pourtant l’examen et avec une mention. Après le bac, Balthazar part pour la capitale et renonce aux études. La liberté avant tout : voilà l’état d’esprit dans lequel il baignait à l’époque. Pourtant, il a réussi un concours d’entrée dans une université privée réputée pour son très haut niveau.  Il sortit même 3ème de ce concours. Mais il abandonna tout ! Commence alors 10 années d’une vie de débauche pour lui. Sans le savoir, on choisissant d’arrêter ses études, il a pris un ticket pour l’adversité ! Ce jour là fut le début de sa descente aux enfers.

Les superhéros d'un esprit tourmenté

Depuis  quelques mois Balthazar pense « renaissance ». C’est plus exactement en janvier 2017, qu’il prend la décision de définitivement orienter sa vie vers une nouvelle direction, impliquant de tourner le dos à tout ce qu’il s’est passé dans sa vie entre 2000 et 2016 mais aussi à tous ceux qu’il a rencontrés et côtoyés depuis l’enfance. Il veut être seul et indépendant financièrement, se construire une confortable pension de retraite, amasser beaucoup d’argents tous les mois. Voilà sa renaissance. Il est devenu ambitieux, ferme, rigoureux. Il est déterminé à en découdre avec cette vie de malheureux, faire honneur à ses parents, leur rendre fier… qu’ils puissent ressentir que leur sacrifice, leur dévouement, leur don de soi, ont valu la peine d’être faits. Qu’ils ne regrettent pas leur renoncement. Pour Balthazar, les héros de ce Monde, ce sont ses parents. Il leur est reconnaissant pour leur héroïsme, pour leur amour, pour leur privation. Ses parents ont mis de côté leur fierté, leur honneur pour que leurs enfants reçoivent une éducation à la hauteur de celle des futurs élites.

La lutte contre le surendettement

Avant cela, de 2013 au début de l’année 2017, il continuait de côtoyer son ancien cercle tout en étant dans une logique de survie : en finir avec son endettement, pouvoir payer ses factures et dégager tous les mois un peu d’argent pour ses petits caprices.  Il a réussi à liquider ses dettes, paie ses factures dans les délais et dispose d’un peu d’avance lui permettant de tenir jusqu’à la fin du mois. Ceci étant, il lui arrivait d’emprunter chez des amis lorsqu’ils voulaient se faire plaisir ou en cas de problème de planning dans les paiements qu’il reçoit de ses clients.

Constance, régularité, application, concentration : les clefs du succès


Il écrit ses articles minutieusement et consciencieusement. Il puise du plus profond de son intellect pour pondre des paragraphes cohérents, intelligibles, le tout, sur un fond original. Il est méticuleux et minutieux, car il veut désormais une vie couronnée de succès, faire fortune, embrasser un quotidien submergé par le confort. Il désire plus que tout mener à bien chaque mission, chaque commande qu’on lui confie et encaisser encore et toujours des euros. Chaque contrat est une opportunité de se faire davantage de l’argent : il est donc hors de question de les bâcler, ne serait-ce qu’un seul. Il a eu sa dose de misère : il n’en veut plus. Mais si Balthazar veut un bonheur matériel, il ne souhaite pas pour autant la célébrité. Il désire vivre dans un impressionnant confort tout en restant inconnu, tout en se réfugiant dans l’anonymat. Il aime son intimité, sa solitude.

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