Photo : Sandid - Pixabay
Balthazar ignore si les autres, ceux-là même qui appartiennent à la classe moyenne, ont déjà connu la faim. Une
faim qui arrive, non pas parce que l’on n’a pas eu le temps de déjeuner ni de dîner.
Une faim qui est là, qui s’impose, qui revendique, qui s’exprime, parce que l’on
n’a pas d'argent pour s’acheter à manger. Pour avoir connu la faim par faute de
moyen, Balthazar est aujourd’hui devenu prévoyant. De chaque montant qu’il
reçoit en paiement, il prélève une portion qu’il met de côté en prévention des
jours difficiles, ceux où les commandes seront restreintes pour divers motifs : des clients arrêteront leur collaboration, ils diminueront le nombre de missions à lui confier, des incidents techniques le condamneront à ralentir son rythme de travail...
Le manque
Ce que Balthazar redoute le plus c'est la faim. Ce qui, pour lui, constitue le paroxysme des persécutions physiques et morales, c’est la faim : aller se coucher sans avoir dîné, se réveiller en sachant qu’il n’y aura
aucun repas sur la journée, entendre midi sonner sans la perspective d'un déjeuner. Alors, une fois que ses affaires lui ont permis de
vivre dignement, sa première décision a été celle d’économiser. Durant plusieurs années, ne remontant pas à très loin d'ailleurs, il lui est souvent arrivé de ne pas manger des jours d'affilée dans la
semaine, à cause de son impécuniosité. Être contraint
de se priver de nourriture par manque de ressource, parce que l'on est sans-le-sous, était une situation difficile à accepter pour Balthazar. Malheureusement, c'est tout ce qu'il a récolté de s'être égaré dans le monde du vice après avoir fait le choix funeste d'embrasser un mode de vie qui n'est pas très reluisant.
Suspension de l’approvisionnement en électricité
En plus de la faim, il faisait face à des factures impayées. À ce propos, la
compagnie d’eau et d’électricité du pays lui faisait régulièrement des
coupures. Quand cela arrivait, Balthazar était condamné à attendre d’avoir un peu de
liquidité pour payer les arriérés et, une fois passé à la caisse, il était obligé de subir le bon vouloir des employés de la
compagnie pour que l’électricité soit remise. Parfois, l'attente se prolongeait jusqu’à une semaine entre la date de régularisation et la reprise...Bien
sûr, la corruption permettait de
contourner la nonchalance et l’outrecuidance des techniciens de cette société d’Etat.
Mais Balthazar refusait d’entrer dans ce jeu vicieux qui gangrène les finances
de son pays.
Migraine, eau, diarrhée
La nuit tombée, le malheureux se retrouvait dans le noir le plus
total, car il n’avait pas d’argent même pour une bougie. Parfois, une
migraine venait s’ajouter à sa misère. Dans ces moments, le destin lui apparaissait comme un tortionnaire qui s'amuse, par sadisme, à s’acharner sur
un détenu déjà à bout de force enfermé dans les geôles d’un régime totalitaire
et autoritaire. Impossible de prendre un calmant, il était à sec et était donc incapable de se procurer quelques comprimés au prix pourtant dérisoire. À ces moments-là, il se souvenait que l’eau
permet d’oxygéner la tête et d’atténuer ainsi la douleur. Il se mettait à en
boire des litres et des litres jusqu’au bord de l’écœurement, jusqu'à ce que son ventre semblait être sur le point d’exploser pour laisser jaillir de ses profondeurs une eau folle, agressive et violente… Exactement comme lorsqu’une canalisation venait à
rompre. S’il avait encore à boire c’est pour une raison bien précise, qui, au demeurant, lui a rendu un service autre que celui de calmer un tant soit peu ses abominables céphalées aiguës. Étrangement, la compagnie nationale
ne lui a jamais coupé l’eau de sorte que pour oublier sa faim il se mettait également
à ingurgiter une quantité déraisonnable d’eau du robinet. Il s’ensuivait une diarrhée
qu’il traînait des jours.
Huissier, expulsion du domicile, saisie des biens
La peur de la venue éventuelle d’huissiers était omniprésente.
Les retards de loyers s’accumulaient en effet et Balthazar redoutait que sa
propriétaire ait pris la décision de porter plainte afin d’obtenir légalement son
expulsion des lieux. La bonne femme, heureusement, n’y avait jamais songé. Sûrement
parce qu’elle a deviné la crainte de son locataire, elle est venue une fois
lui parler pour lui dire qu’il pouvait continuer à habiter la maison et que la situation serait à régulariser dés qu’il serait en mesure de le faire. Enfin, avant
que Balthazar ne soit tombé dans l’indigence, il contracta un crédit à la consommation
auprès d'une banque. Lorsqu'il fut dans le
dénuement, Balthazar se rendit à l'évidence : ses échéances de
remboursement étaient devenues impossibles à honorer. Maintes fois il s'était terré dans sa maison, s’efforçant de
rester silencieux au retentissement de la sonnerie. Celle-ci l'effrayait car elle annonçait peut-être un
huissier dépêché par la banque pour saisir le peu d’affaires qu’il possédait.
Et c’est sans compter les appels téléphoniques, dont il
n’osait voir l’origine par peur que ç'aient été son gestionnaire ou un quelconque créancier souhaitant lui demander des comptes.
Rigueur dans les finances
D'une manière générale, Balthazar voit dans ses années de
pauvreté une période d’effroi. D’ailleurs, cet épisode de sa vie a laissé
des traumatismes dans son système psychologique : un vécu éminemment douloureux qui, à l'heure actuelle, l’incite à
ne jamais avoir de dettes, à se constituer de petites économies et à contrôler
minutieusement ses dépenses. Son incompréhension des personnes qui prennent
un crédit à la banque (à moins que ce soit pour un investissement) vient également de cette expérience désastreuse. Son aversion pour les découverts bancaires tire aussi son origine de ces épreuves qu'il a endurées.
Prêt et endettement
C’est pendant cette période éprouvante que l'empathie et la compassion ont pris racine dans son coeur. Voir une personne se débattant dans une mare de besoins matériels l'insupporte affreusement et l'embarrasse énormément.
Quand un impécunieux sollicite l'aide de Balthazar, ce dernier n’hésite pas à la lui accorder dés lors qu'un peu d’espèces traînent dans sa poche ou son portefeuille. Son fonctionnement psychique l'impose de considérer comme une futilité la tentative d'entrevoir dans la démarche du demandeur un indice qui trahirait une ruse de la part de celui-ci, un vicieux stratagème pour soutirer à Balthazar quelques billets. L'urgence est d'alléger le fardeau du quémandeur. Et, à cet effet, la solution n'est pas de lui prêter, mais bien de lui donner. L’emprunteur à court d’argent doit faire la promesse de ne plus jamais rendre la somme qu'il a reçue. Les effets ravageurs de l’endettement ont affecté le quotidien de Balthazar pendant plus de trois ans. Il ne tient donc pas à ce que cet
individu dans la gêne, venu implorer une éventuelle bienveillance salvatrice, se retrouve davantage
endetté. Dans sa conception de la solidarité, l’obligation envers lui de s’acquitter d'une dette est inexistante, car, dans le cas contraire, elle s’ajoutera à la masse de problèmes déjà supportés par le nécessiteux. Mais aussi, si Balthazar donne, par-dessus tout, c’est parce qu’il veut que le nécessiteux, à plus forte raison s'il a une famille, puisse continuer à manger
même sans argent. Il est d'avis qu'il ne devrait pas y avoir de place pour la méchanceté et l'égoïsme dans le cœur de l'Homme. La gentillesse devrait primer. Arriver à cet état psychologique nécessite de lutter intérieurement !
La faim dans le Monde
L'expérience malheureuse de Balthazar explique pourquoi l’éradication de la
faim est une question qui lui tient à cœur. Savoir que quelque part dans son
île et dans le Monde - il pense notamment aux quatre pays indiqués par les
Nations Unies (Yemen, Somalie, Sud-Soudan, Nigéria) en 2016 - un peuple est en train de
souffrir de la famine, le plonge dans le désespoir. En France aussi il y a des personnes défavorisées qui souffrent de la faim. L'été, l'association Août Secours Alimentaire tente de leur venir en aide.
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