La sténose carotidienne, définie comme un rétrécissement (partiel ou important) de l’artère carotide, peut avoir de nombreuses répercussions sur le fonctionnement cérébral. Chez une personne déjà atteinte d’épilepsie depuis l’enfance – voire depuis la période néonatale ou la petite enfance – la question se pose de l’impact de ce trouble vasculaire sur la survenue ou la fréquence des crises. Cet article propose d’expliquer en termes simples les interactions possibles entre la sténose carotidienne, l’épilepsie, les troubles cognitifs (comme la démence) et les accidents ischémiques transitoires (AIT). C’est aussi un hommage à mon père, décédé des suites d’une sténose carotidienne le 1ᵉʳ novembre 2021. Il était lui-même épileptique depuis son plus jeune âge.
1. Qu’est-ce que la sténose carotidienne ?
Les artères carotides (gauche et droite) sont les principaux vaisseaux sanguins qui alimentent le cerveau en oxygène et en nutriments. Avec le temps, ou à la suite de certains facteurs de risque (hypertension artérielle, hypercholestérolémie, tabagisme, diabète, etc.), il peut se former des plaques d’athérome au niveau de ces artères. Ces plaques rétrécissent le diamètre de l’artère et entravent la circulation sanguine. On parle alors de sténose carotidienne.
Lorsque le cerveau ne reçoit pas suffisamment de sang, il peut se produire des accidents vasculaires cérébraux (AVC), des AIT ou des épisodes de souffrance chronique des tissus cérébraux. Chez un patient épileptique, tout déséquilibre de la circulation cérébrale peut potentiellement influencer la fréquence et la gravité des crises.
2. La sténose carotidienne provoque-t-elle des crises d’épilepsie ?
- Lien indirect par le biais d’une lésion cérébrale
En elle-même, la sténose carotidienne n’est pas systématiquement un facteur déclencheur direct de crises épileptiques. Néanmoins, lorsqu’elle est sévère, elle peut engendrer des épisodes ischémiques (manque d’oxygène dans le cerveau). Les zones cérébrales lésées par un infarctus ou un accident ischémique transitoire peuvent devenir le “foyer épileptique” générateur de nouvelles crises. - Aggravation d’une épilepsie préexistante
Dans le cas d’une personne déjà épileptique depuis longtemps, une altération supplémentaire de la circulation sanguine peut perturber l’équilibre cérébral et ainsi favoriser l’apparition de crises ou en augmenter la fréquence.
En d’autres termes, si la sténose carotidienne est à l’origine d’épisodes ischémiques répétés, il peut en résulter une fragilisation supplémentaire du cerveau, ce qui peut aggraver ou modifier les crises d’épilepsie préexistantes.
3. Comment se manifestent les crises d’épilepsie chez une personne âgée ?
Les crises d’épilepsie peuvent prendre différentes formes, et la personne âgée peut présenter des symptômes parfois moins visibles ou moins “spectaculaires” que chez le jeune adulte. Voici les manifestations les plus courantes :
- Crises convulsives généralisées : avec mouvements involontaires des membres, perte de conscience et possible chute.
- Crises partielles (ou focales) : pouvant se manifester par des absences brèves, des mouvements anormaux d’un seul membre, des troubles du langage ou des comportements inhabituels (parfois discrets).
- Signes avant-coureurs (aura) : sensations visuelles, auditives ou olfactives, sentiment de “déjà-vu” ou d’anxiété soudaine.
- Confusion post-critique : après la crise, la personne peut présenter une grande fatigue, une désorientation, des difficultés d’élocution ou un état de somnolence.
Chez la personne âgée, ces signes peuvent être confondus avec d’autres pathologies (état confusionnel, démence, infection, etc.). D’où l’importance d’un suivi médical régulier et spécialisé.
4. Les crises à répétition peuvent-elles s’auto-entretenir ?
Il arrive que la répétition des crises puisse, par un effet cumulatif, abaisser le seuil épileptogène du cerveau, c’est-à-dire rendre le cerveau plus susceptible de faire de nouvelles crises. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce phénomène :
- Altérations structurelles : chaque crise peut renforcer certaines connexions neuronales excitatrices et modifier l’équilibre chimique cérébral.
- Stress et fatigue : l’accumulation de stress physique ou psychologique peut faciliter la répétition des crises.
- Déséquilibre médicamenteux : si le traitement n’est pas adapté ou si l’observance (respect de la prise du traitement) n’est pas optimale, les crises risquent de se répéter.
Cependant, l’idée que « plus on fait de crises, plus on a de risques d’en avoir » varie selon les individus. Certains patients épileptiques stabilisent leurs crises avec un traitement adéquat, tandis que d’autres voient leurs crises s’intensifier pour des raisons encore mal comprises (association de facteurs génétiques, vasculaires, métaboliques, etc.).
5. Le rôle des différents professionnels de santé
Dans le cadre d’une sténose carotidienne chez une personne âgée épileptique, plusieurs spécialistes interviennent :
Le médecin généraliste
- Il est souvent le premier contact du patient.
- Il assure un suivi de base : renouvellement d’ordonnances, dépistage et surveillance des facteurs de risque (hypertension, cholestérol, diabète, etc.), évaluation de l’état général.
- Il oriente le patient vers un cardiologue, un neurologue, un neuropsychiatre ou un chirurgien vasculaire selon la gravité de la situation.
Le cardiologue
- Il étudie les facteurs de risque cardiovasculaires et recherche d’éventuelles anomalies cardiaques (fibrillation auriculaire, valvulopathies, etc.).
- Il propose des traitements médicamenteux (par exemple antiplaquettaires ou anticoagulants) pour réduire le risque d’AVC ou d’AIT lié à la sténose carotidienne.
Le neuropsychiatre ou le neurologue
- Il gère le traitement de l’épilepsie et ajuste la prescription d’antiépileptiques.
- Il évalue l’impact de la sténose carotidienne sur les fonctions neurologiques et détermine si les crises ont changé de nature ou d’intensité.
- Il prescrit des examens complémentaires (IRM, scanner, électroencéphalogramme).
Le chirurgien vasculaire
- Il intervient lorsque la sténose carotidienne est significative et menace l’apport sanguin cérébral.
- Il peut proposer une opération de désobstruction (endarteriectomie) ou la pose d’un stent afin de rétablir un flux sanguin adéquat.
- Son évaluation est essentielle pour prévenir les complications graves comme l’AVC.
6. L’électroencéphalogramme (EEG) : son rôle
L’électroencéphalogramme (EEG) est un examen qui enregistre l’activité électrique du cerveau au moyen d’électrodes placées sur le cuir chevelu. Dans le cadre d’une épilepsie, il est particulièrement utile pour :
- Identifier le foyer épileptique : l’EEG peut aider à localiser la zone cérébrale d’où partent les crises.
- Analyser la fréquence et la forme des décharges épileptiques : il est parfois demandé sur plusieurs heures ou couplé à une vidéo pour observer les corrélations entre le tracé et les symptômes.
- Suivre l’évolution de la pathologie : lors de modifications des traitements ou d’événements particuliers (infections, stress, etc.), l’EEG permet de vérifier l’activité électrique cérébrale et d’ajuster la médication.
Si une personne âgée présente des changements dans la fréquence ou l’intensité de ses crises, ou si des symptômes tels que des absences, des confusions ou des suspicions d’AIT se produisent, l’EEG demeure un examen clé pour affiner le diagnostic.
7. Les liens entre démence, AIT, épilepsie et sténose carotidienne
Démence
- Certaines démences vasculaires peuvent survenir à cause de lésions cérébrales répétées, elles-mêmes liées à des problèmes vasculaires comme la sténose carotidienne.
- Les crises d’épilepsie peuvent être plus fréquentes si le tissu cérébral est déjà endommagé, contribuant parfois à un déclin cognitif.
Accident ischémique transitoire (AIT)
- L’AIT est causé par un blocage temporaire de la circulation sanguine cérébrale. La sténose carotidienne en est l’une des causes possibles.
- Même s’il se résorbe spontanément, l’AIT représente un signal d’alerte sérieux. Répétés, les AIT peuvent abîmer progressivement certaines zones cérébrales.
Épilepsie
- Une personne épileptique depuis sa naissance ou son enfance peut voir son épilepsie se transformer avec l’âge ou suite à de nouveaux facteurs vasculaires.
- Les séquelles d’un AIT ou d’un AVC peuvent jouer un rôle aggravant dans l’apparition de nouveaux foyers épileptiques ou dans l’intensification des crises.
Sténose carotidienne
- En limitant l’apport sanguin au cerveau, elle peut accroître le risque d’AVC et d’AIT, qui sont eux-mêmes des facteurs de démence vasculaire et de crises épileptiques.
- Il s’installe parfois un cercle vicieux : la détérioration vasculaire aggrave la pathologie neurologique et inversement.
8. En hommage à mon père
Cette réflexion sur la sténose carotidienne et l’épilepsie est également un hommage personnel. Mon père, épileptique depuis son plus jeune âge, a lutté durant des années contre les complications d’une sténose carotidienne. Son décès, le 1ᵉʳ novembre 2021, témoigne de la gravité potentielle de cette pathologie lorsqu’elle n’est pas diagnostiquée à temps ou lorsqu’elle s’aggrave.
- Cela souligne à quel point il est crucial de procéder à un dépistage précoce des problèmes cardiovasculaires.
- Il est également essentiel de maintenir un suivi neurologique régulier, particulièrement pour les patients épileptiques dont l’état peut se modifier avec l’âge.
9. Conclusion
Une sténose carotidienne n’est pas nécessairement un déclencheur direct de l’épilepsie, mais elle peut compromettre l’apport sanguin au cerveau et aggraver les crises existantes ou favoriser la survenue de crises chez une personne déjà épileptique. Les interactions entre démence, AVC, AIT et épilepsie forment un tableau clinique complexe, particulièrement chez la personne âgée.
Dans tous les cas, une prise en charge pluridisciplinaire reste la clé :
- Le médecin généraliste effectue le suivi de proximité et oriente vers d’autres spécialistes.
- Le cardiologue évalue la santé cardiovasculaire et propose des mesures préventives ou thérapeutiques (médicaments, examens).
- Le neuropsychiatre/neurologue ajuste le traitement antiépileptique et surveille l’évolution neurologique.
- Le chirurgien vasculaire intervient si la sténose est importante pour éviter les complications graves.
Enfin, l’électroencéphalogramme demeure un outil indispensable pour analyser l’évolution de l’épilepsie et adapter la prise en charge. Pour les familles confrontées à ces pathologies, il est nécessaire de rester attentif, de dialoguer régulièrement avec les médecins et de ne pas négliger les symptômes, même s’ils semblent peu alarmants. La prévention et la vigilance peuvent aider à limiter les complications et à améliorer la qualité de vie des personnes âgées souffrant d’épilepsie et de sténose carotidienne.
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